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quelque paysan, et j’allais le rejoindre quand la nuit, avancée, ne me permettait plus de voir ce qui se passait de l’autre côté du lac.

On doit présumer que, pour être ainsi dominé par ce télescope, il fallait qu’il m’eût initié à de grands mystères ; eh bien, non, je n’en savais guère plus que le premier jour ; mais la quantité de suppositions nées de la moindre démarche, et cette connaissance des habitudes domestiques d’une maison, m’en avaient, pour ainsi dire, rendu moi-même l’habitant. Je savais à quelle heure on entrait dans la chambre de celle que j’appelais ma sylphide ; si elle avait paisiblement dormi, je la voyais bientôt arriver près de la fenêtre avec ses beaux cheveux épars qu’elle parfumait avant de les tresser, puis une vieille femme de charge venait l’avertir du réveil de sa maîtresse ; alors je voyais ma sylphide passer dans la chambre à côté, s’asseoir près du lit, prendre une main décrépite, la baiser tendrement, puis lire de grandes feuilles qui devaient être des journaux. Une fois, parmi plusieurs lettres qu’un domestique venait d’apporter, il y en eut une qui la fit pleurer. Je la vis porter son mouchoir à ses yeux ; alors je n’y