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pauvre femme, car il était richement brodé. Alors une horrible pensée frappa mon esprit ; le désir de disputer au fleuve ce corps que je voyais, comme un point noir, paraître et disparaître au caprice des flots, cet affreux désir me fit jeter mon habit pour m’élancer plus vivement dans le Gange, et me donna le courage de parvenir jusqu’à ce corps flottant. Poussé par un mouvement convulsif, ma main se cramponna à ses cheveux ; tout mon sang se retira vers mon cœur en sentant l’impression d’une chaîne d’or parmi la touffe de cheveux épars sur le sein de la morte ; je la traînai sur l’eau jusqu’au rivage ; là, succombant à l’émotion, à la fatigue, mes forces m’abandonnèrent.

Il faisait jour lorsque je revins à moi ; j’étais entouré de plusieurs personnes qui cherchaient à me ranimer. Un chirurgien qui venait de me saigner sans que je l’eusse senti, lord Wel… et sa femme aussi étaient là ; ils me firent transporter chez eux.

Dès que la pensée me revint :

— Où est-elle ? m’écriai-je ; pourquoi me l’avoir enlevée ?