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nature des arbres qu’au bruit de leur feuillage ; car c’était l’heure où la brise vient relever la tige des plantes accablées par l’ardeur du jour. J’éprouvais une sorte de langueur pleine de charme à me retrouver sur ces bords fleuris, à cette place que j’avais pensé ne plus revoir. Cette longue absence, imposée par l’orgueil, il me semblait l’avoir réalisée ; je me sentais ému comme au retour d’un long voyage, quand on se demande : « Seront-ils heureux de me revoir, ceux que j’aime tant ! »

Tout en m’abandonnant à ma douce et triste rêverie, je m’appliquai à deviner les sentiments qui occupaient en cet instant l’âme d’Anaïs : Elle me pleure peut-être, pensai-je ; elle m’en veut de n’avoir pas mis plus de persévérance à combattre sa résolution ; elle médit de mon courage à m’éloigner d’elle, tandis que je suis là, auprès de la maison qu’elle habite, peut-être uniquement séparé d’elle par ce mur de jardin ; car c’est l’instant où elle aime à se promener. La nuit est si belle ! Ah ! si le regret, le souvenir l’amenaient de ce côté… si je voyais tout à coup flotter son voile sur la terrasse, si je voyais son ombre gracieuse se dessiner sur la grève… si