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plusieurs voix l’avait fait rentrer subitement dans le jardin ; la crainte de la compromettre m’empêcha de la suivre.

Je restai longtemps encore à cette même place où elle m’avait enivré de désespoir et de joie ; car, en dépit de sa volonté, de ma raison même, l’aveu de son amour était pour ma souffrance ce qu’est la foi dans l’immortalité de l’âme pour les agonisants. Je comptais sur cet amour pour me la rendre, et ce mélange de chagrin, de colère, d’espoir et d’adoration, me plongeait dans une agitation qui tenait de la folie.

Cependant je résolus de ne point paraître chez lady Wel… que je n’eusse repris un peu d’empire sur moi ; je me dis malade pour me dispenser de recevoir ou de rendre aucune visite. Je passais toute la journée enfermé, et je ne sortais la nuit que pour venir prendre l’air sur les bords du Gange, au pied de la terrasse, où j’espérais toujours qu’une attraction invincible devait la ramener.

Plusieurs jours s’écoulèrent ainsi ; elle ne revint point, et je conçus un ressentiment tel, que je partis peu de temps après avec un jeune Anglais de mes amis, dans l’intention de par-