Page:Nichault - Souvenirs d une vieille femme.pdf/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mains ; non, je vous aime trop pour accepter un si grand sacrifice ! votre honneur m’est plus cher qu’à vous-même, et jamais je ne consentirai à le voir flétrir par une alliance indigne de vous. M. de L…, vous, le mari d’une pauvre fille prostituée !…

— Arrêtez, m’écriai-je, je vous défends d’insulter mon amour, de calomnier celle que j’aime… La victime d’un infâme trafic, la femme assez noble pour s’être affranchie, par sa vertu, son courage, d’un joug honteux, a plus de droits à notre estime que celle dont le cœur n’a jamais combattu.

— Cela est vrai, dit-elle ; mais cette justice, le monde ne la rend jamais. Pour que cette femme avilie retrouve l’estime, il faut qu’elle renonce au bonheur ; il faut que sa conversion soit désintéressée ; et je le sens, mon ami, je perdrais à mes yeux le mérite de tout ce que j’ai souffert, si je pouvais accepter une si grande récompense.

Je ne saurais vous répéter tout ce que la passion me fournit d’arguments, de prières, pour combattre une résolution si noble. J’étais aimé, j’avais l’éloquence que donne une exaltation vraie ; mais je ne pus rien obtenir d’Anaïs, car