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tuation ridicule ; je voulais partir sans la voir, ou me venger de ce que j’appelais ses caprices vertueux, en la traitant avec le mépris le plus injurieux. Puis, rougissant d’un si honteux projet, je ne pensais plus qu’à obtenir de sa pitié ce que j’aurais tant voulu devoir à son amour. Mais elle tardait bien à venir, et les suppositions que peut enfanter l’inquiétude remplacèrent bientôt toute autre idée dans mon esprit.

En cet instant, la brise, qui s’éleva, m’apporta les parfums des daturas qui bordaient la terrasse, et les bruits confus qui venaient de la maison ; j’entendis craquer la rampe d’un pont chinois qui conduisait au pavillon ; bientôt la petite porte du jardin s’ouvrit, je vis Anaïs se soutenant à peine et n’ayant pas la force de refermer la porte ; je courus l’aider, la soutenir, et je la conduisis vers le banc.

— Votre émotion est la mienne, m’écriai-je ; oui, je la reconnais ; Anaïs, vous m’aimez ! Ah ! ne me refusez pas le bonheur de vous entendre le dire ; croyez que ma vie sera le prix de cet aveu, que vous en pourrez disposer comme de la vôtre. Anaïs, acceptez-la.

— Non, dit-elle en cachant sa tête dans ses