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Je m’approchai d’Anaïs ; le cœur me battait si vivement, que je fus quelque temps dans l’impossibilité d’articuler un mot.

— D’après ce que m’a répété lady Wel…, me dit-elle, j’ai craint que, impatienté de ma résolution, vous ne fissiez quelque démarche imprudente, et je suis venue vous conjurer de nouveau de m’oublier ; car, vous le savez, c’est à cette condition que je reste ici.

— Oui, j’ai promis de vous obéir, répondis-je en cherchant à me donner l’air d’un indifférent qui supplie pour une grâce à laquelle il attache peu de prix. J’ai promis de ne plus vous parler de moi ; mais comme ma vie dépend d’un mot de vous, ce mot il faut que je l’entende ; il faut que vous me promettiez de revenir demain au pied de la terrasse qui borde le Gange, sinon, je ne réponds pas de ce que la passion peut me faire faire. Je n’ai plus ma tête. Si vous saviez quels projets insensés me viennent à l’idée ! vrai, j’ai besoin d’être guidé, d’être plaint surtout, et vous seule pouvez me sauver des extravagances que je médite.

— Ah ! mon Dieu ! taisez-vous, dit-elle avec effroi ; si l’on vous entendait !…