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» — Venez avec moi à Calcutta, me dit-elle ; mes affaires m’obligeront à y faire un long séjour, vous en profiterez pour trouver quelque condition meilleure que celle que vous avez chez moi ; et, puisque vos parents se sont ruinés pour vous faire acquérir tant de talents, vous pourrez donner des leçons de musique, et peut-être même devenir la dame de compagnie de quelque riche Anglaise. Sa prédiction ne fut pas longue à s’accomplir. Recommandée par tous les amis qu’elle avait dans ce pays-ci, on m’offrit bientôt plusieurs places : je choisis la meilleure. Je croyais la remplir dignement en consacrant tous mes soins à l’éducation des filles de lady Wel…, et je commençais à oublier ma faute involontaire, quand votre apparition m’a rendue à toute la honte d’un souvenir dont je rougirai éternellement.

— Eh ! pourquoi le maudire, ce souvenir qui me rend si heureux ? m’écriai-je en essuyant les larmes qui tombaient des yeux d’Anaïs ; qui sait si ce souvenir ne sera pas la source d’un bonheur pur et durable ?

— Non, reprit-elle ; ce que je souffre depuis que je vous ai revu ne me laisse aucune espérance.