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société, et je n’ai compris que depuis les conversations étranges qu’elle avait avec moi : c’était un mélange de pruderie et d’immoralité au-dessus de mon innocence. La seule chose qui me fut bien démontrée, c’est que n’ayant ni parents ni fortune, je serais mariée subitement, au caprice de la maîtresse, et qu’il me faudrait obéir aveuglément à ma destinée. Quoi ! disais-je, on ne me fera point connaître mon mari avant de l’épouser ? Si, peut-être bien une heure avant d’être à lui, répondait la vieille gouvernante : allez, mon enfant, c’est tout autant qu’il en faut pour savoir à qui l’on a affaire. Mon ignorance lui répondait de ma soumission ; vous savez jusqu’où j’ai porté l’une et l’autre.

» Mais, à peine ai-je été éclairée sur ma position et sur le honteux métier pour lequel on m’avait si chastement élevée, que, prenant en horreur tout ce qui m’entourait, je résolus de m’enfuir de cet antre de corruption, au risque de mourir de froid et de faim à la porte d’une église. Deux jours après votre départ, munie d’un tout petit paquet, et portant à mon cou la chaîne d’or que vous m’avez laissée, cette chaîne dont vous aviez détaché votre montre, et que