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sants. À la piste des trésors de beauté et même d’innocence, elle faisait les éducations les plus honnêtes, les plus distinguées, sous le même toit, et à côté d’un troupeau de jeunes filles les moins chastes ; enfin, on était sûr de trouver chez elle du plaisir, des grâces, des talents, et même de la vertu, tout cela selon le prix qu’on voulait y mettre.

J’avais reçu du banquier de mon père une somme considérable que je devais lui porter à l’île Bourbon ; une partie de cette somme m’avait été donnée pour subvenir aux frais de mon voyage et à l’emplette de plusieurs objets de fantaisie. Vous pensez bien que l’occasion d’employer mon argent en cet instant était trop favorable pour faire la moindre économie en plaisir : je fis les frais du souper. La tête déjà fort étourdie par les fumées du vin de Champagne, je demandai, pour ma part, ce que le sérail de la vieille renfermait de plus beau, de plus miraculeux ; bref, je fus traité en jeune marié, et c’est dans l’ivresse la plus complète que je passai le reste de la nuit.

Prévoyant bien que ce souper m’entraînerait plus loin que je ne le voulais, j’avais dit à mon