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— Je ne m’en défends pas ; oui, monsieur, j’ai l’ambition de me créer une noble indépendance ; car, dans l’époque où nous vivons, on ne vaut que par sa fortune ; mais si je désire devenir riche, c’est pour rester libre dans mes opinions, et dans mes affections.

— Rien de si juste, et personne ne vous contrariera sur ces deux points ; la famille dont je vous parle est on ne saurait plus tolérante en opinion politique, et comme vous aimerez votre femme…

— Jamais, monsieur, interrompit Isidore, jamais je n’aimerai la femme que je n’aurai pas choisie moi-même.

— Eh ! qui vous dit que votre choix ne tombera pas sur celle-là ?

— C’est impossible, monsieur.

— Je devine ; vous êtes aveuglé par une de ces passions de jeune homme que l’on croit éternelles, et qui ne savent braver ni le temps, ni la misère ; nous avons passé par là, mon ami ; mais vous avez déjà assez d’expérience du monde, pour savoir ce que valent ces sortes d’attachements, et pour ne pas faire la folie de leur sacrifier votre existence. Tenez, je suis vieux, mes