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dans cet agréable salon, pour revoir ces charmants tableaux qui l’ornaient et pour entendre causer l’artiste, l’homme d’esprit dont la voix venait de s’éteindre pour jamais !

Quel spectacle désolant… quelle honorable oraison funèbre que ces cris de surprise et de douleur, qui répondaient au vieux serviteur dont les yeux gonflés de larmes et les sanglots apprenaient seuls l’affreuse nouvelle qu’il n’avait pas la force de dire ; et ces amis respirant à peine, ne pouvant plus se soutenir, obligés de s’asseoir sur la borne des portes ; ces femmes parées qui pleuraient dans leur voiture, oubliant de donner l’ordre de s’éloigner de cette maison de deuil ; et la pâleur du jeune artiste à qui la mort enlevait d’un seul coup son maître, son protecteur, son ami, sa fête hebdomadaire ; car ce mercredi, où il avait toujours la chance d’un plaisir, était attendu par lui comme un jour de fête ; enfin l’aspect de tout ce salon refoulé par la mort, transplanté dans la rue, et la faisant retentir du bruit de ses regrets et de ses plaintes, prouvait mieux que nous ne saurions le dire l’étendue de la perte que venaient de faire la société, les arts et la France.