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Le lendemain détruit le regret de la veille ; ainsi bercée par le charme d’une illusion sans cesse renaissante, elle arrive à la vieillesse sans avoir souffert du célibat.

La vieille fille de province, moins intéressante que celle-ci, a des jouissances inconnues de la célibataire des grandes villes. Sa domination ne peut se comparer qu’à celle des abbesses. Recueillie par l’aîné de ses frères, par celui qui tient le rang de chef de famille, elle commence par chercher à se rendre utile dans la maison : elle fait les confitures, surveille la lessive, et travaille à la layette des enfants. Mais son ambition ne s’en tient pas là ; elle rêve une autorité sans bornes sur tous les domestiques de la maison, et profite du premier moment où sa belle-sœur écoute la déclaration d’un jeune voyageur pour s’emparer des clefs du linge et des provisions. Munie de ce trésor, elle commande en reine : pas un morceau de sucre, pas une serviette ne se distribue sans son ordre ; c’est elle qui gronde les enfants, qui renvoie les domestiques, qui invite les voisins ou les brouille avec son frère. Est-elle mécontente des gens qu’il amène, elle leur fait faire un dîner détestable ; se trouve-t-il