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aviez horreur du mariage, que la seule idée d’avoir un enfant vous faisait frémir ; qui sait, dis-je, si parmi vos railleurs eux-mêmes, il ne se trouvera pas un taquin qui voudra vous contrarier, et triompher de votre antipathie matrimoniale !

Il est une autre espèce de vieilles filles qui échappent au malheur par l’illusion. Celle-là est la plus ridicule, et partant la plus heureuse. Elle a trente-cinq ans, n’a jamais quitté sa mère, ni renoncé à aucune des habitudes de sa jeunesse : elle tient ses yeux baissés, et ne répond que lorsqu’on l’interroge ; son front se colore au moindre récit amoureux ; apporte-ton le billet qui fait part de l’accouchement d’une amie de sa mère, elle se trouble, rougit, et mourrait plutôt que de demander des nouvelles de l’enfant.

Sa mère va-t-elle dans le monde, elle ne la quitte point, et se place à table à côté d’elle de peur de s’exposer à écouter le plus petit mot que sa mère ne pourrait entendre ; l’invite-t-on à danser, elle n’accepte qu’après en avoir demandé la permission ; glissant sur le parquet sans oser s’élever, elle conserve son attitude pudique jusque dans le désordre du galop ; puis, quand le danseur novice qui l’avait priée à défaut d’aucune autre,