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savez la nouvelle ? Varsovie est prise ; on massacre les Polonais, leur ruine est complète.

— Oui, à la Bourse, répond-il, pour ruiner aussi les joueurs à la baisse ; car la rente est aristocrate, et se relève avec les rois. Nous avons le secret de toutes ces nouvelles. Quand vous aurez vécu comme moi avec les gens du métier, on ne vous prendra plus à ces piéges grossiers. Allez, Varsovie n’est pas plus prise qu’elle n’était sauvée le jour où…

— Le diable emporte cet homme qui s’obstine à ne jamais rien croire ! s’écrièrent à la fois ceux qui l’écoutaient nier depuis une heure.

Eh bien, c’est à ce ridicule, l’un des plus impatientants de tous, nous en convenons, que le sceptique de café vient récemment de devoir la vie.

Un soir de ce dernier printemps, pendant qu’il faisait paisiblement sa partie de dominos au café Valois, entre un petit verre d’anisette et le Messager des Chambres, il voit entrer un jeune apprenti Sangrado, l’œil brillant, le front rayonnant d’espérance, enfin avec l’attitude fière d’un homme qui se promet d’étonner bientôt le monde par ses prouesses.