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brave gobe-mouches, écoutant tout cela comme parole d’Évangile, avait perdu ou employé son temps à s’en réjouir !

Une seule chose avait troublé son bien-aise, c’était la voix des crieurs des rues, beuglant à tue-tête un événement sinistre qui ne s’est point vérifié depuis. Mais, pour le gobe-mouches, tout ce qui s’imprime et se vend, ne fût-ce que pour un sou, acquiert un degré d’authenticité qui ne lui permet aucun doute. Sans ce léger inconvénient, tout serait plaisir pour lui, car sa nature le porte naturellement vers ceux qui flattent pour duper, et c’est dans l’enchaînement continuel des histoires les plus absurdes, des promesses les plus illusoires, qu’il passe sa vie inutile, espérant toujours la place qu’on ne lui donne pas, et le bien-être qui n’arrive jamais.

Entre-t-il dans un salon ? il est sûr d’y produire de l’effet, car il est toujours muni d’une ou deux nouvelles à renverser d’étonnement. Celle de la veille devrait peut-être rendre moins empressé à croire celle du lendemain ; mais non, il y a dans la bonne foi du gobe-mouches quelque chose qui triomphe de l’expérience ; on se laisse aller à l’impression qu’il reçoit de son propre récit. Ce-