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tarissables, en enfantera mille autres plus brillantes.

Ô vous ! grands potentats de la philosophie, vous qui avez consacré tant de veilles à la recherche de la vérité, vous qui prétendez trouver le bonheur dans la sagesse, la gloire, ou l’étude, avez-vous rencontré un plaisir, un sentiment, dont l’expérience ne vînt tôt ou tard vous désabuser ? Eh bien, l’homme à projets l’a découvert, ce trésor moral ; il y puise chaque jour une fortune nouvelle. Quand il veut vous la faire partager, à vous sages financiers, vous riez de sa folie ; toute l’ironie de votre grosse opulence tombe sur le rêveur ambitieux : dédains perdus, il n’en reste pas moins possesseur de tout ce qu’il imagine ; et quand la banqueroute d’un confrère menace d’entraîner la vôtre, quand le triste avenir se montre à vous dans tout son vrai, que vous rêvez misère sous vos lambris dorés, l’homme à projets, dans sa mansarde, la casquette en tête, les bas déchirés, les pantoufles aux pieds, et l’estomac presque vide, chiffre encore un nouveau plan qui doit l’enrichir de tous les biens que vous craignez de perdre.