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ainsi ; car celui qui les protége, les comprend et les anime, mérite seul de régner sur eux.

— Monsieur vient sûrement pour une souscription, dit le banquier célèbre auquel l’inconnu s’adressait. Ah ! mon Dieu ! nous en sommes accablés : souscription pour livres, souscription pour tableaux, pour gravures, pour tombeaux, pour amendes ; c’est une ruine !

— À qui le dites-vous, monsieur ? Je bénis tous les jours le ciel de ne m’avoir pas donné assez d’argent pour le perdre de cette manière ; car je ferais comme tout le monde, je me laisserais aller à l’idée d’obliger un pauvre diable d’artiste, et je ne ferais souvent qu’aider à la fortune d’un banqueroutier. Mais, loin de venir abuser de vos moments précieux pour vous soutirer de l’argent, je viens vous en apporter.

Le mouvement de surprise que fit alors le banquier n’étonna point l’interlocuteur ; il s’y attendait. Son habit râpé, ses bottes plissées, son chapeau terne et déformé, étaient trop peu en harmonie avec ses paroles pour ne pas exciter l’étonnement : mais peu lui importait ; ces mots : Je viens vous apporter de l’argent, quoique mal accrédités par sa tenue, lui répondaient d’une