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mis à moustaches, et font des frais de toute espèce, non pas seulement dans l’intention de lui plaire ou de l’aimer, mais dans le simple but de l’enlever à une rivale. Là, comme ailleurs, tous les avantages sont pour ceux qui ont compromis le plus de femmes ; c’est à qui séduira celle de son bourgeois, de l’honnête industriel qui le fait vivre ; et, quand le pauvre homme, fatigué de chiffres, quitte le comptoir pour venir se délasser en famille, on le régale d’un grand air italien chanté par sa fille, d’une promenade dans la grande allée des Tuileries, d’un raout ou d’un mélodrame adultère.

Ose-t-il proposer quelque petit dîner hors la barrière : fi donc ! rien n’est si ridicule ! se promener dans les champs, dîner à son aise, rire à bon marché, c’est s’assimiler au peuple ; et puis, que faire d’une robe brodée et d’un chapeau à plumes dans la poussière des guinguettes ? ce serait compromettre son rang et son luxe. Mieux vaut s’ennuyer ; la dignité de la bourgeoisie l’ordonne.

Eh bien, cette même famille, esclave de l’imitation aristocratique, se serait amusée, il y a cent ans, avec bien moins d’argent qu’elle n’en gagne