Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générale : les épiciers mettent l’orthographe, les merciers lisent des romans, les femmes du monde les plus frivoles commentent la Revue britannique. Enfin, les convenances ont tout envahi ; et, sauf quelques manières, quelques locutions, dont le monde distingué se réserve encore l’usage, l’uniformité serait complète. Aussi plus de franche gaieté, plus d’enthousiasme : on se rassemble entre marchands pour subir des concerts de famille, présidés par un artiste, où chaque jeune personne fournit son contingent de sonates ou de romances, tandis que leurs frères ou cousins se livrent froidement à toutes les chances d’une partie d’écarté. Heureux encore si quelque dispute politique ne vient rompre la monotonie de la soirée. Là, point de robes ni d’habits ridicules ; chacun y est paré, et partant gêné et triste : c’est un corset ou des souliers trop étroits ; des bas à jour, dans lesquels les pieds sont glacés, des plumes qui contraignent tous les mouvements de la tête, sans parler du tourment plus douloureux encore de regretter les frais qu’on a faits pour s’ennuyer ainsi ; car la plupart des imitateurs du grand monde, le remords de dissiper sa fortune en plaisirs fatigants, et de dépenser plus qu’on ne