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quait vivement les œuvres du dieu qu’on lui opposait. On se battait à coups d’épigrammes, dont les arts et les paresseux profitaient : la cabale était là, toujours armée des canifs de la raillerie ; il fallait un vrai talent pour l’apaiser, et, de plus, posséder cette mâle énergie qui sait braver les mots et les sifflets.

Ce courage, on le trouvait dans la chaleur de ses partisans ; sûr d’être bien attaqué, on n’était pas moins certain d’être bien défendu. On se flattait d’avance des luttes du parterre, des arrêts du Mercure, des honneurs de la parodie ; on voyait son nom en charade, son héros en logogriphe. Le succès qu’on rêvait devait être le parrain du chapeau de la couleur à la mode. Enfin, l’idée d’occuper une semaine et plus le public des cafés, des salons, et même des boudoirs ; l’orgueil attaché à l’espoir de fonder un secte, la ridicule importance dont une légère persécution pouvait tout à coup doter un auteur inconnu, enivraient la raison. Quel séduisant avenir pour un esclave des muses !

Était-il applaudi, on se l’arrachait à la cour, à la ville ; il ne se donnait pas un dîner choisi sans lui : caressé, flatté en raison de ses ridicules,