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la ressemblance. Madame de Raiseville, souvent mystifiée par les sentiments que plusieurs mauvais plaisants affectent pour elle, n’a pas la sotte modestie d’en douter ; sa pitié est toute pour ses belles rivales ; elle emploie sa bonté à leur insinuer que sa vertu les met hors du danger de pleurer un infidèle, et comme ces sortes d’assurances prêtent à rire, on se fait un malin devoir de maintenir son illusion.

Jamais l’envie ne trouble ses plaisirs et n’enlaidit son visage, car la figure, la parure d’une autre, ne lui semble jamais supérieure à sa figure insignifiante, à sa parure étrange : sa vanité satisfaite l’empêche d’être méchante ; elle aime peu, mais elle protége beaucoup, et, comme elle prend chaque remercîment pour une déclaration d’amour ou d’amitié, elle est heureuse.

Vous que tant de beauté, d’agréments, d’esprit, vous que le noble ou même le coupable dévouement ne sauvent pas des tortures de l’inquiétude ; vous qu’un excès de modestie rend injustes, soupçonneuses, et quelquefois importunes ; qui passez tant de journées à vous créer des monstres d’inconstance, qui prenez souvent la prudence pour le dédain, le repos pour de