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che, la pièce ira aux nues, c’est un succès, un triomphe incontestable : ses amis vont lui serrer la main, sa mère pleure de joie, sa maîtresse, qui méditait un crime, le quittera deux mois plus tard. Que de bonheur ! et que les grands talents ont raison de se consacrer à la gloire !

Après ce premier pas dans la carrière du génie, il faut bien s’exercer dans le genre à la mode : allons, vite un roman à vignette, ou bien des mémoires improvisés ; surtout un éditeur habile, des amis journalistes, et le livre ne sera pas moins bien accueilli que la pièce. Réussir dans toutes les branches de la littérature, c’est se placer tout d’abord au niveau de Voltaire. Flatté de ce rapprochement, notre auteur se promet de tenter tout ce qui peut lui en obtenir d’autres : avec sa tragédie philanthrope, il achèterait à grand prix un serf du Jura, un Galas, pour signaler son éloquence généreuse ; mais aujourd’hui les paysans sont libres, et les protestants ne se laissent plus pendre : force est bien de se rejeter sur d’autres moyens d’illustrer son nom.

Eh bien, il se fera l’avocat du pouvoir : c’est le seul héroïsme à sa portée. Accablé d’injures par les mécontents, de faveurs par les ministres, il