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et Théophile prévoyait avec terreur ce qu’un reproche indirect, une sentence générale, dits avec amertume, pouvaient jeter de soupçons dans l’esprit d’Agenor.

Un autre aurait pensé que la vengeance d’un semblable tour était si naturelle, que personne n’oserait la blâmer, et qu’il pouvait affronter hardiment la colère d’un ami qui avait si bien mérité la sienne. Mais Théophile, vrai disciple d’Épicure, aimait le plaisir pour le plaisir, la vengeance pour la vengeance, et non pour la vaine gloire de s’en vanter.

Il traça donc à madame de Lauréal le plan de conduite qu’elle aurait à suivre avec son mari ; il lui indiqua plusieurs de ces petits prétextes dont les femmes savent faire de puissants motifs de refus. D’abord elle s’établit malade, non pas au point de s’emprisonner chez elle, mais assez pour autoriser une foule de caprices qui ne lui étaient pas habituels, et les soins journaliers d’un ami dont les assiduités n’avaient rien de suspect ; des dépits simulés, le ressentiment des infidélités qu’Agenor devait avoir commises pendant son séjour à l’armée, suffiraient pendant quelque temps pour repousser les ten-