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adresse par un jeune cavalier qui s’éloignait modestement lorsqu’une troupe d’élégants venaient folâtrer près d’elle. On lui savait gré de cette condescendance, on la regardait comme l’action d’un homme qui se rend justice ; et Théophile, le cœur plein du souvenir de la veille et d’un espoir non moins enivrant, laissait la stérile vanité de ses rivaux s’apitoyer sur lui. Comme il riait tout bas de leurs agitations, de leurs rodomontades ! comme il était heureux du bonheur dont ces pauvres agréables se donnaient l’apparence !

Théophile n’avait pas à craindre de voir cesser une duperie soutenue par tant d’amour-propre ; mais la conscience d’Agenor l’inquiétait. Malgré la promesse de madame de Lauréal, il redoutait l’effet de ce mépris invincible qu’on éprouve ordinairement pour ceux qui nous ont menti, et bien que le mensonge d’Agenor fût l’œuvre de l’amour, madame de Lauréal s’obstinait à lui donner pour motif un calcul d’intérêt qui le rendait moins excusable ; elle n’y pouvait penser sans dégoût, et la haine est plus facile à dissimuler que ce sentiment répulsif.

On perd son indulgence en devenant coupable.