Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ce ridicule ; il eût regretté d’avoir rien fait pour l’acquérir ; mais, puisqu’il le devait à la générosité d’un ami, il l’accepta avec reconnaissance, sauf à réclamer plus tard.

À la faveur de cette sage condescendance, Théophile s’établit dans la maison d’Agenor comme un ami sans conséquence. Il vit avec plaisir la sécurité qu’il inspirait à madame de Lauréal, passer à toutes les jeunes prudes de sa société. Improvisait-on un bal au piano, les plus jolies se disputaient à qui danserait avec lui. À la promenade, la moins hardie venait prendre son bras. Aux petits jeux innocents, il était de toutes les pénitences où l’on s’embrasse, et les maris, loin d’en témoigner de l’humeur, en riaient de ce bon rire conjugal qui cause tant de plaisir aux amants.

La crainte de perdre les avantages de sa position l’empêchait souvent d’en profiter ; il ne s’adressait guère qu’aux femmes aussi intéressées que lui à garder son secret, car il voulait surtout parvenir à la seule qu’il aimait. La moindre indiscrétion qui l’eût réhabilité l’aurait perdu sans retour. Amour, plaisir, vengeance, tout s’évanouissait avec son ridicule.