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sion mélancolique de celui-ci, ses manières distinguées, fort au-dessus de l’air insouciant et railleur de M. de Lauréal ; mais toutes s’accordaient sur le mérite et l’esprit des deux amis.

Ils venaient de se faire présenter chez madame de Vardennes, jeune veuve dont la beauté et la fortune étaient le point de mire où visaient toutes les adorations intéressées. Les plus distingués de ses prétendants ne s’avouaient pas l’influence de sa position dans le monde sur leur sentiment ; mais elle ajoutait à leur insu tous les vœux de l’ambition aux désirs de l’amour, et ils se sentaient également capables de nobles ou de mauvaises actions pour réussir près de la belle madame de Vardennes.

Le premier sur lequel sa coquetterie s’exerça fut Agenor. Il rendait par sa légèreté les agaceries faciles ; sa gaieté permettait d’écouter ses aveux comme autant de flatteuses plaisanteries qui n’obligeaient à aucune réponse sérieuse, et s’en laisser aimer semblait un plaisir sans danger.

Il n’en était pas de même pour Théophile : elle le traitait beaucoup plus sévèrement, lui adressait rarement la parole, et détournait les yeux chaque