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agréablement ; car, à cette époque de la vie, le plaisir de voir celui qu’on aime n’est guère plus vif que celui de s’en plaindre. Rentrer dans la jeunesse par l’élégie, c’est encore être au rang des heureuses victimes : madame de Freneuil le savait ; aussi prenait-elle des airs langoureux et distraits, des attitudes d’Ariane, qui faisaient l’amusement de ses habitués.

Jouissant d’un bel embonpoint, et par conséquent très-fraîche pour son âge, sa mélancolie amoureuse contraste peut-être d’une manière comique avec sa tournure épaisse et ses joues rebondies ; mais elle parle tant et si bien du martyre d’un cœur mal compris, du malheur d’attacher sa vie aux ailes d’un papillon volage ; elle est si fastueusement émue quand le perfide arrive, si profondément abattue quand il se fait trop attendre, qu’on lui pardonne ses peines et ses joies romanesques en faveur du plaisir qu’on trouve à s’en moquer.

Comme elle est riche, elle est nécessairement adulée, écoutée, et toujours plainte au degré qu’elle exige par ceux à qui elle fait partager son bien-être et tous les agréments dus à sa grande fortune. Sa confidente a de droit sa place dans toutes les