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subi les engouements inconstants, les faux amours, les froides amitiés ; et le besoin d’être aimé, cette infirmité des âmes nobles, dont l’amour-propre étouffe les plaintes sans y porter remède, le cœur du bon Canophile en était atteint au suprême degré.

Pour n’être point malheureux au milieu de tous les biens que donne la fortune, il lui fallait la certitude d’être attendu ou regretté ; l’idée que sa présence était un bienfait, sa souffrance une peine, sa propriété un dépôt défendu avec zèle. Toutes ces conditions, après avoir longtemps cherché, il ne les avait rencontrées, faut-il l’avouer, que dans son chien ; de là vint le crédit d’Azor sur le cœur de son maître, ces complaisances et cet empire dont tant de gens se moquaient.

La gentille Antoinette, la nièce de M. Canophile, était celle qui le tourmentait le plus sur ce qu’elle appelait ses chiens gâtés. Médisant d’eux à propos de tout, elle les dénonçait à chaque instant ; tantôt c’était sa robe blanche sur laquelle l’empreinte des deux pattes crottées trahissait l’empressement de Follette à l’accueillir ; tantôt c’était un des lapins qu’elle élevait, étran-