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rare de voir une pareille félicité ne donner d’humeur à personne !

Pendant que l’amour, la paix, la confiance et la joie régnaient dans la maison de Menival, celle de M. de Rochebelle était le théâtre de scènes continuelles les plus pénibles. Ce qu’on disait dans le monde de la rivalité qui avait amené le duel de M. d’Arthenay mettait bien l’amour-propre de M. de Rochebelle en repos, mais la pâleur qui avait couvert le visage de sa femme en apprenant cette affaire l’avait convaincu de son malheur imaginaire : il se croyait trahi. En vain madame de Rochebelle avait rompu tous ses rapports avec M. d’Arthenay ; en vain l’innocence de sa conduite aurait dû lui être prouvée comme elle l’était à tout le monde ; l’idée qu’il jouait un rôle ridicule s’empara de son esprit, et tout sembla confirmer ses craintes imaginaires.

Le malheur voulut que, dans ce temps même, sa femme devînt grosse ! Alors ses soupçons n’eurent plus de bornes : il devint furieux, et les efforts qu’il fit pour dissimuler sa prétendue honte ébranlèrent tellement les fibres de son cerveau, qu’il fallut le confier au docteur Esquirol.