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sur le danger qu’elle courait, madame de Rochebelle prit la ferme résolution d’éviter M. d’Arthenay, autant que l’amour-propre de son mari voudrait bien le permettre. Elle fit plus : l’affectation que celui-ci mettait à redoubler l’intimité avec M. d’Arthenay la détermina à le prier de venir moins souvent chez elle ; quelques propos médisants lui servirent de prétexte. M. d’Arthenay n’en fut point la dupe :

— Ses devoirs l’emportent, pensa-t-il ; elle me sacrifie, moi qu’elle a converti à l’amour ; elle ne craint pas de me désespérer. Oh ! si je pouvais lui causer autant de mal qu’elle m’en fait !

Car voilà le cruel sentiment qu’entraîne à sa suite le meilleur des amours. Le despotisme ou la vengeance, c’est la devise des amants.

Charmé et blessé tout à la fois de trouver tant de vertu dans la femme qu’il aimait, M. d’Arthenay ne pensa plus qu’à la rendre jalouse.

Madame Menival était jolie, on la rencontrait partout ; elle avait une bonne maison, où rien n’était plus facile que d’être admis. M. d’Arthenay jeta les yeux sur elle pour accomplir son dessein, et, en moins de huit jours, il fut si bien établi près d’elle que tout le monde lui en fit