Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaisir de la conduire ici en charrette pour la voir coqueter ainsi toute la nuit, il n’y aurait pas eu grand mal.

— Ah ! mon Dieu ! dans quelle erreur vous êtes ! Le pauvre mari aurait passé une semaine cruelle : sa femme aurait été d’une humeur insupportable ; elle aurait fait quelque scène de jalousie à d’Aulerive, pour s’être amusé à un bal où elle n’était pas ; et Dieu sait ce qui s’en serait suivi. Croyez-moi, ce gros Menival est l’homme du monde qui arrange le mieux sa vie ; je n’en veux pour preuve que son air satisfait.

— Il me semble que ce bonheur-là est à la portée de beaucoup de gens ; que n’en essayez-vous ?

— Je le voudrais bien, vraiment ; mais ma stupide vanité s’y oppose : ne faut-il pas s’ennuyer comme tout le monde, aller bâiller aux Italiens, étouffer dans les routs, sourire à ses ennemis, vanter les sots à la mode, accepter des dîners d’apparat, répondre à de fastidieuses agaceries, se confondre en reconnaissance pour d’insipides fadeurs, leur en sacrifier de plus douces ? Et tout cela par ton, ou plutôt par lâcheté ; car, avec un peu plus de courage, on ferait, comme M. Menival,