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dix heures du soir, un dimanche gras, on ne trouve ni bêtes ni gens ; enfin, pas même de fiacre. Dans cette extrémité, je me rappelle tout à coup la carriole que j’ai achetée pour conduire mes domestiques à la campagne ; elle est couverte, nous y serons à l’abri. Je n’hésite pas ; en cinq minutes, les chevaux sont attelés à la carriole ; mais le difficile était d’y faire monter Minette avec ses diamants, ses plumes et sa robe de crêpe ; elle s’en défendait comme un beau diable.

— C’est par trop ridicule, disait-elle ; on nous bafouera : jamais je ne monterai dans un tel brelingo.

— Bah ! lui ai-je dit, quand chacun se sera récrié une fois sur notre manière d’arriver, cela sera fini ; au bout du compte, tu n’en seras pas moins madame Menival, ta robe et tes diamants n’en seront pas plus laids pour être venus en carriole ; et tu verras la fête, et tu t’amuseras, au lieu de rester chez toi à pleurer de dépit ; sans compter que ce pauvre d’Aulerive, à qui nous avons donne rendez-vous au bal, serait d’une inquiétude affreuse s’il ne nous voyait pas arriver. Enfin, grâce à mon éloquence, elle s’est décidée.

— C’est fort bien à vous d’avoir employé