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jourd’hui à parler de ce qui importe le plus, il dit, de l’air le moins ému, mais du ton d’un homme qui risque le tout pour le tout : — Pourquoi me traiter si mal ? pour me décourager ? c’est peine inutile ; vous n’en ferez jamais autant que moi pour me détourner d’un sentiment dont je reconnais la folie ; mais puisqu’il est plus fort que ma volonté, que la vôtre même n’y pourrait rien, eh bien, n’y prenez pas garde.

Madame de Rochebelle, stupéfaite de cette singulière déclaration, reste quelques moments sans s’apercevoir que c’est à elle à commencer la figure. L’obligation de traverser la dispense de répondre à M. d’Arthenay ; cependant, elle aurait voulu profiter de cette occasion pour lui déclarer que ses soins la blessaient, l’importunaient ; mais, pour une âme élevée, le mensonge est un acte difficile, on s’y détermine lentement ; les mots n’arrivent point, on les trouve trop forts ou trop insignifiants : c’est qu’aucun d’eux ne rend la pensée. Et le temps se passe, les oisifs viennent mêler leurs phrases à la traverse ; le sujet qui préoccupe a déjà subi trois ou quatre remplaçants. Le moyen d’y revenir ? ce serait y donner trop d’importance ; le mieux est de pa-