Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. d’Arthenay était trop bien exercé dans l’art de reconnaître et de mettre à profit les chances favorables à ses désirs, pour ne pas s’apercevoir du trouble que sa présence faisait naître dans l’esprit de madame de Rochebelle : un sot se serait cru adoré, mais l’amour-propre éclairé de M. d’Arthenay ne se méprit point sur la cause de ce trouble ; il devina l’obligation qu’il en avait aux avertissements d’un jaloux. Connaissant la profonde horreur de M. de Rochebelle pour tout ce qui pouvait jeter du ridicule sur un mari, il se promit bien de faire servir cette faiblesse à l’accomplissement de ses vœux.

— Elle n’a encore que de la crainte, pensa-t-il, j’en ferai de l’amour ; puis, lorsque nous serons d’accord, je m’établirai si bien, près du monde, dans l’attitude d’un amant malheureux, que le pauvre mari n’osera jamais me chasser comme un rival redoutable.

Ce plan arrêté, M. d’Arthenay en commença l’épreuve le soir même. La politesse exige qu’il danse avec la maîtresse de la maison ; elle le refuse une fois, deux fois ; mais enfin l’instant de la contredanse arrivé, il vient prendre sa main, et sans plus de préambule qu’on n’en met au-