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ces réflexions tacites, ces rires cachés, ces coups portés dans l’ombre à celui que le ridicule abrite ?

Le jour du bal est arrivé : M. de Rochebelle avait consacré deux cents louis à cette fête ; mais la nécessité d’avoir le meilleur orchestre, les plus belles fleurs, enfin toutes les supériorités du genre, venait de l’obliger à ajouter à cette somme ; car on ne peut avoir ce qu’il y a de mieux d’un côté sans se créer le besoin du mieux de l’autre. Quoi de plus ridicule que le manque d’ensemble ! Et, pour n’être point ridicule, on sait de quel sacrifice M. de Rochebelle était capable !

Ce jour-là sa femme était mise avec plus d’élégance encore que de coutume ; car le devoir des maîtresses de maison ne leur permet pas une riche parure, et il est rare qu’elles ne gagnent pas à la simplicité que l’usage leur impose ; mais, malgré sa beauté, ses gracieux sourires, il y avait une mélancolie profonde gravée sur le front de madame de Rochebelle ; sa grâce manquait d’abandon, et ses regards distraits semblaient fuir quelque objet dangereux.

Cette contrainte, cette défiance d’elle-même, cette émotion dont elle ne se rendait pas compte, c’était l’ouvrage de son mari : avant qu’il ne lui