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On lui demande s’il a mis beaucoup de temps à composer ce bel ouvrage.

— Quinze jours, dit-il ; il ne m’en faut pas davantage pour construire mon plan et dialoguer mes scènes. Si les acteurs du Théâtre-Français n’étaient pas si long à monter une pièce, j’en aurais déjà vingt de représentées ; mais ces gens-là ne comprennent rien à leurs intérêts. Je leur ai dit cent fois : « Que vous faut-il ? Une tragédie, une bonne comédie ? Eh bien, je m’engage à vous la fournir dans quinze jours ; mais vous ne mettrez pas plus de temps à la jouer que je n’en aurai mis à la faire ; sinon, je vous abandonne à votre malheureux sort. »

Eh bien, monsieur, ils aiment mieux consacrer trois mois à apprendre l’ouvrage d’un blanc-bec que de faire leur fortune avec un des miens.

Cette sortie modeste trouve bien quelques critiques, les plus polis vont en rire dans la chambre à côté ; mais, comme les plus traîtres restent pour approuver, rien n’altère la pureté des transports de l’auteur ; et pourtant l’on s’en moque, et Menival lui-même, que l’amitié domine sans l’aveugler, dit en lui-même : « Ce gaillard-là est d’un amour-propre forcené. » Eh ! qu’importent