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il en fait l’appât d’un brochet convoité. Puis ses piéges tendus, son petit filet disposé à recevoir de nouveaux prisonniers, il se rassied sur la berge, fier de son triomphe passé, et déjà heureux de celui qui l’attend.

Il faut avoir essayé de cette existence de pêcheur pour en apprécier tous les charmes. C’est un vague animé, une rêverie que l’espoir ou le plaisir ont seuls le droit d’interrompre ; c’est un bien-être physique dû à l’air pur qu’on respire, à l’aspect d’un beau site, d’un pré dont la présence de l’eau embellit la verdure ; c’est la chanson du pâtre et le bêlement des agneaux ; c’est la cloche du village voisin qui fait penser à la prière ; c’est cette harmonie parfaite de la nature qui plonge l’âme pieuse et tendre dans ces ravissements dont la poésie de Lamartine peut seule donner l’idée.

Voilà pour l’âme d’élite, et nous avons plus d’un exemple d’auteurs, d’hommes d’État, qui préféraient ce délassement ridicule de la pêche à la ligne à tous les plaisirs dont le monde est prodigue envers ceux que la célébrité ou le pouvoir recommande. C’était pour eux le calme après la tempête ; c’était l’oubli complet des intérêts qui