Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne trompe jamais, ne vous a-t-elle pas imposé silence au moment de proférer un si grand blasphème ! Comment la réflexion, qui nous montre si cruellement nos déceptions en tous genres, et nous fait calculer si juste le peu que nous récoltons de nos avantages, ne vous éclaire-t-elle pas assez pour accorder à nos ridicules le respect et la reconnaissance qui leur sont dus. Ô vous que la nature et l’art ont tant favorisés ! descendez dans votre cœur, compulsez tous les souvenirs qui l’honorent le plus ; évoquez vos vertus premières, vos qualités acquises, vos agréments naturels ou étudiés, et dites si aucune de vos nobles facultés, aucun de vos dons précieux, vous a jamais rapporté autant que le moindre de vos ridicules ?

On s’en moque, direz-vous ; et c’est là le premier bienfait attaché à cette source intarissable de jouissances. Semblable à la vertu qui s’enrichit par des sacrifices, à la religion, qui met l’outrage et les humiliations au nombre des voluptés chrétiennes, le ridicule fait la joie de tout le monde et le bonheur de ceux qui en sont doués ; la gaieté qu’il inspire, toujours hypocrite, n’est jamais injurieuse, car le plaisir qu’il donne, comme