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l’avare spéculateur que l’océan des affaires ballotte sans cesse des rives du Pérou aux bords funestes de Botany-Bay : et jetant sur tous ces damnés de la terre un regard de pitié, le papillon sexagénaire vole, avec le secours des ailes de son tilbury, du bois de Boulogne à l’Opéra, de l’Opéra au bal ; là, il se repose.

Campé auprès de la plus jolie danseuse, il cause avec elle tout le temps que les chassés ou la queue-du-chat le lui permettent ; car l’importance à la mode obligeant les jeunes hommes à s’interdire les plaisirs de leur âge, il n’y a plus que les écoliers en tout genre qui osent danser, et la conversation d’un écolier est au moins timide. Quel avantage pour le vieux papillon, qui sait depuis si longtemps ce qui est doux à l’oreille des femmes ! On ne parle qu’à lui.

Dans sa frivolité constante, il a effleuré tous les arts, il sait vanter à propos et flatter avec finesse ; c’est à coups d’éloge qu’il démolit un rival : tantôt c’est un bon garçon, un parfait honnête homme, ou bien un gaillard fort adroit, qui entend bien ses affaires ; d’un autre, il dit : c’est un charmant étourdi qui ne sait rien feindre ; enfin, c’est toujours d’une de ces qualités mortelles dont