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les théâtres soumis à un directeur dont l’absolutisme ne laisse aucun sentiment de son libre arbitre à l’homme qui se fait acteur ; mais il n’en est pas de même chez l’amateur indépendant. S’il consent à se prêter au plaisir public, c’est à condition que son métier, ses habitudes et ses affections n’en souffriront point ; loin de lui la pensée d’abandonner un ami, de l’affliger un instant pour la vaine gloire de paraître ce qu’on n’est pas ; d’ailleurs, un succès n’est doux qu’autant que celui qui nous aime en est témoin. C’est ce qui avait maintenu l’acteur chargé du rôle du marquis de Faublas dans la ferme volonté de ne point se séparer de Favori.

Or, Favori, chien moyen, à longs poils noirs et blancs, était de cette race consacrée aux savetiers qu’on voit tout le jour errer dans les rues sans crainte d’être volés, qui ne rentrent jamais au logis à jeun, tant ils seraient sûrs d’y rester dans le même état jusqu’au lendemain. Favori, mieux traité par le sort que ses pareils, était le tyran de son maître : celui-ci ne pouvait faire un pas sans en être suivi, il ne pouvait manger un morceau de chose que ce fût sans que Favori en dérobât une bonne part, ni même parler à personne