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diable ! il se trompe lui-même ; il ne peut y avoir rien de semblable dans la pièce.

— Non, dans celle de Sophocle, répondis-je, mais fort bien dans celle de La Harpe : je vous affirme que l’acteur n’est pas dans son tort.

— Au fait, cela me surprenait beaucoup, reprit-il ; car c’est un gaillard qui a une mémoire d’enfer. Vous achèteriez à crédit un rat-de-cave ce soir dans sa boutique, qu’il s’en souviendrait dans dix ans.

En contemplant ces soldats grecs coiffés d’un chapeau à trois cornes, je m’attendais à voir paraître Philoctète en bonnet de coton. Son état de malade autorisait bien cette petite liberté ; mais Grignard, chargé de ce rôle important, avait trop d’expérience du théâtre pour tomber dans une telle faute : son costume était d’une exactitude merveilleuse, et bien plus comique que toutes les infractions des autres. D’abord, ayant entendu dire que Talma jouait autrefois les rôles antiques sans revêtir ses bras et ses jambes de tricot couleur de chair, Grignard, pour mieux peindre la misère où les perfides Atrides, comme dit la rime, avaient laissé ce pauvre Philoctète, s’était imposé la loi de paraître à moitié nu.