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Parvenu, par la mort de son oncle, au grade d’épicier, de chef de maison, il avait vieilli dans l’habitude des chiffres, sans préjudice de l’amour des arts, et c’est à sa passion connue pour le théâtre qu’il avait dû l’honneur d’être invité à nos représentations. Qu’on juge de sa joie en apprenant le projet qui circulait déjà dans plusieurs boutiques !

— Quelle erreur ! répond-il aux gens qui en médisent ; c’est tenter le diable, dites-vous, c’est perdre son temps ! et quel temps est jamais mieux employé que celui qu’on donne à une leçon de morale ? Connaissez-vous une pièce où les défauts des hommes ne soient point bafoués, et où leurs crimes ne soient pas punis ? Ne sont-elles pas remplies de belles tirades sur la probité, la morale, et tout ce qu’on prêche de plus saint ? N’est-ce pas un sermon continuel qui ne diffère des autres que parce qu’il est amusant ? Croyez-moi, vous ne pouvez choisir un délassement plus propice à l’éducation de vos enfants. Cela leur apprendra les belles manières ; quand on a joué la comédie, qu’on a parlé en public, on est plus hardi avec le monde, l’on sait mieux vanter sa marchandise ; sans compter qu’on apprend l’or-