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son état, se disant coiffeur des dames, quand il en arrivait à l’auberge ; faisant de la littérature avec les uns, du commérage avec les autres, et de la politique avec tout le monde, avait été le premier à donner à ses pratiques l’envie de jouer la comédie.

De grandes difficultés se présentèrent d’abord contre ce projet. Les intérêts de commerce, qui ne permettaient pas de quitter la boutique ; les vieilles mères, qui craignaient pour la vertu de leurs filles ; les tantes dévotes, qui criaient à la damnation ; et puis les parents avares, ou sages, qui comptaient la dépense.

Ces obstacles réunis auraient été invincibles sans l’avis d’un vieux fou, qui, se joignant à tous les jeunes, finit par l’emporter sur les nombreux sermonneurs.

Ce bon M. Grignard avait été fort amoureux, dans sa jeunesse, d’une actrice de province ; il n’était alors que garçon épicier, et c’est en allant porter du sucre et du café chez la demoiselle, qu’il s’était épris de ses charmes. Comme elle payait rarement, elle lui prodiguait les billets de parterre ; et Dieu sait si Grignard allait chaque soir l’applaudir de bon cœur !