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tirique de Molière, est l’éternel plastron des traits moqueurs de toutes les classes de la société ; la coquette le fuit d’une lieue, les enfants le suivent en ricanant, les domestiques n’ôtent pas leur chapeau en le voyant passer, les pauvres le maudissent, le prodigue l’insulte ; et pourtant, quand le jour de la mort arrive, demandez aux héritiers des deux, lequel mérite le plus d’éloges, de celui dont les caprices dispendieux ont causé la ruine de ses enfants, ou de celui dont les privations leur ont légué un trésor ?

Oui, nous posons en principe que l’avare de nature, celui que la société n’a pas corrompu, qui ne sacrifie ni au faste, ni à la crainte du ridicule, qui s’exile volontairement, par sa passion, du reste des humains, qui méprise la douleur et tous les besoins de la vie ; celui-là, disons-nous, est la seconde Providence de sa famille. Tant qu’il existe, cette famille, sûre de n’en rien obtenir, emploie toutes ses facultés à se créer une fortune ; excellent moyen pour former les bons sujets. Et quand sa mort vient livrer ses coffres pleins d’or à des mains actives, c’est le Nil qui se répand sur des rives fécondes, c’est la richesse qui vient au secours de l’industrie ; tandis que le prodigue, dont