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prend en dédain les filles de douze ans. Cependant lorsqu’elles sont nées sur le trône elles méritent des égards. Voilà ce que le roi sait fort bien et ce qu’il n’oublie que pour faire sa cour aux nièces du cardinal…

Puis après un moment de silence :

— Vous êtes fort liée, je crois, avec madame de Mancini ? ajouta la reine ; c’est une femme de mérite, d’une haute vertu et d’une telle réserve dans sa conversation, que je n’ai jamais osé la questionner sur les prédictions que son mari lui a faites en mourant : on dit que plusieurs se sont accomplies : les connaissez-vous ?

— Hélas, deux de ces prédictions se sont déjà cruellement réalisées : la propre mort de M. de Mancini et celle de son frère, ce qui nous fait trembler pour sa veuve ; car il a prédit qu’elle ne passerait pas sa quarante-deuxième année, et le terme fatal approche.

— Mais il y a de la barbarie à rendre de tels oracles, s’écria la reine ; et pensez-vous qu’elle y ait confiance ?

— Ah ! je n’en doute pas, madame, car elle regardait son mari comme un grand astrologue, et elle me disait dernièrement que la persuation de mourir au temps prédit était pour beaucoup dans sa régularité à remplir tous ses devoirs de religion.

— Il est vrai, sa piété est exemplaire ; mais enfin rien n’annonce qu’elle doive bientôt mourir ?

— Sans doute, sa santé est bonne ; et comme elle n’a plus que six semaines à passer pour arriver à sa quarante-troisième année, il faut espérer que l’oracle aura tort.

— On prétend que M. de Mancini avait aussi prédit des choses étranges sur une de ses filles. Serait-ce sur