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les obstacles, même les injures de la haine et les calomnies de l’envie, succombe au sourire dédaigneux de l’indifférence ; quel mari peut supporter patiemment l’accueil humiliant qu’on ne manque jamais de faire dans le monde à la jolie parvenue par l’amour de son mari ? Laisse-t-on échapper une occasion de lui prouver que, sans la considération qu’on a pour ce nom usurpé, que sa naissance ou sa fortune ne la destinait point à porter, on ne la saluerait seulement pas ! Ne lui ménage-t-on pas le déplaisir de voir et d’entendre chuchoter devant elle et à chaque instant l’histoire de son élévation, et les égards de famille ou d’anciennes relations qui obligent à la recevoir ? Ne se sent-elle pas étrangère dans cette noble cotterie dont elle n’a ni l’aplomb ni l’impertinence ; et les agaceries, l’espèce de camaraderie de ces femmes titrées envers son mari ne lui disent-elles pas clairement : « Lui seul est des nôtres. » Hélas ! lui-même ne tarde pas à se le dire aussi, et, les premiers feux de sa passion amortis, il retournera naturellement à ses habitudes, à ses liaisons ordinaires ; il a fait rompre sa femme avec toutes ses amitiés bourgeoises, il n’a pu parvenir à la faire admettre à partager les siennes ; elle reste isolée entre la famille qu’elle a délaissée et celle qui la repousse ; elle n’est plus qu’un devoir, une gêne pour celui qu’elle aime ; elle le voit par degré s’affranchir d’elle, fuir sa présence et s’attacher à une autre. Si c’est un galant homme , il lui assurera un revenu convenable au nom qu’il lui laisse ; alors elle vivra et mourra dans les larmes, ou, ce qui est pis encore, elle se consolera : on sait trop à quelle honteuse consolation un tel malheur expose une jeune et jolie femme.