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lirant. Le jeune âme, abusée par ce mirage d’amour, de pompe et d’élégance, par ce charme attaché au pouvoir, ne se doute pas des souffrances aiguës, continuelles, honteuses qui l’attendent dans le palais de la faveur. Son cœur, déjà perverti par l’espoir d’un bonheur éclatant, accepte avec courage tous les périls de la route pour arriver au but ; elle se résigne d’avance aux remords d’une faiblesse coupable, en se disant : Un si beau triomphe vaut bien qu’on le paie par quelques douleurs ; elle ne sait pas que ce triomphe est le signal de son martyre ; qu’à dater de ce jour il n’y aura plus pour elle ni repos, ni confiance, ni plaisir ; que l’instinct d’un abandon inévitable, commandé par l’ordre établi dans le monde, par cette loi immuable de l’orgueil social qui défend d’aimer longtemps ce qui vous est inférieur, que cette crainte trop fondée de voir l’égale préférée à la sujette, doivent bientôt la livrer à tous les supplices de la jalousie, à tous les dégoûts de l’humiliation.

Et ce martyr de l’amour trop haut placé, ce tableau affligeant que j’ai voulu peindre, ce n’est pas seulement aux femmes que le rang, la fortune placent auprès des trônes que je l’offre comme un préservatif : les séductions de la vanité sont de toutes les classes. Chaque condition a son roi. Le châtelain est le roi de la vassale, le maître est celui de la servante, l’homme de cour est le roi de la petite bourgeoise, l’artiste riche et célèbre est le roi de l’élève pauvre et encore inhabile ; ainsi, je le répète, chaque condition a son cercle dont une femme ne peut sortir sans risquer son honneur et le bonheur de sa vie.

L’amour le plus robuste, celui qui peut braver tous