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charnement son exil et même sa mort ; mais madame de Motteville, qui pensait au duc de Beaufort, au cardinal de Retz, tous deux prisonniers, et à plusieurs autres victimes de la vengeance du cardinal-ministre, garda un froid silence ; en vain la reine, impatientée de n’obtenir aucun signe d’approbation à ses éloges, essaya-t-elle d’exalter les talents politiques du cardinal, et de le justifier du reproche de cupidité dont on l’accablait. Madame de Motteville écouta tout cela avec l’attention polie qu’exigeait sa place de confidente ; mais l’intérêt sincère qu’elle portait à sa maîtresse ne lui permettait pas de feindre l’admiration pour un caractère qu’au fond elle méprisait, et pour les talents d’un homme qui avait si souvent compromis le repos de l’État et la réputation de la reine.

Le plus grand dépit des personnes d’un rang supérieur est de ne pouvoir rien sur la pensée de ceux dont elles gouvernent les actions et la conduite entière. Voir se briser une autorité si puissante contre la froide observation, la raison consciencieuse d’un esprit éclairé, d’une âme dévouée, mais trop noble pour accorder les témoignages feints de l’approbation que l’on réclame d’elle, c’est une rébellion tacite que les souverains et les jolies femmes ne pardonnent jamais.

Aussi la reine, piquée du silence respectueux de madame de Motteville, lui donna-t-elle l’ordre d’avertir madame de Flex qu’elle allait se rendre au Val-de-Grâce.