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Hortense et sa plus jeune sœur, Marie restera pour y prendre le voile.

— À moins que le cardinal n’en dispose autrement, interrompit la reine, car sa sœur n’a garde de s’opposer à tout ce qu’il fait pour l’élévation de sa famille. J’ai peur que le mariage de ses nièces, mesdemoiselles Martinoyé, avec le prince de Conti, le prince de Modène et le duc de Mercœur, ne le rendent trop ambitieux pour celles qui restent à marier ; et qu’après avoir fait de si belles alliances, il n’en rêve une plus belle encore…

Cette réflexion portait si loin, que madame de Motteville n’eut pas l’air de l’avoir comprise. La reine, en l’exprimant, ou plutôt en la laissant échapper, avait souri avec tant d’amertume, ses yeux s’étaient animés d’une indignation si vive, qu’on pouvait deviner qu’en ce moment tous ses sentiments en faveur du cardinal Mazarin, son intérêt politique, sa faiblesse de cœur, tout venait d’échouer contre la terreur de voir le ministre à qui elle livrait la France aspirer à placer sa famille sur le trône.

À cette pensée, la reine se leva par un mouvement involontaire et fit quelques pas dans son cabinet comme pour céder à l’agitation qui la dominait. Jamais elle n’avait paru à madame de Motteville plus imposante et plus fière. Ce n’était plus la veuve de Louis XIII, implorant l’habileté d’un ministre parvenu contre les factieux qui lui disputait sa puissance ; c’était la superbe Anne d’Autriche, la fille des Césars, l’héritière de Charles-Quint ; c’était la plus grande princesse de l’Europe ; se révoltant contre l’audacieux projet du prêtre italien, arrivé par elle au plus haut degré du